2 novembre 1906 – Luchino Visconti:
« J’aime le mélodrame car il est situé juste au point de rencontre entre la vie et le théâtre. »
Luchino Visconti n’était pas seulement l’un des plus grands réalisateurs du XXe siècle, il était l’énigme humaine ultime. Aristocrate, comte milanais descendant de Charlemagne, il était aussi un communiste engagé et à vie. Ses détracteurs ont déclaré : « Il vote à gauche mais vit à droite » »
Il possédait plusieurs palais opulents, décorés avec le goût exquis qu’il a exposé toute sa vie. Il était l’un des hommes les plus élégants de son époque. Il a vécu ouvertement comme un homme gay pendant la majeure partie de sa vie; sa richesse et sa position lui ont permis de le faire, alors même que ses ennemis se moquaient de lui.
Son chef-d’œuvre Le Léopard (1963) rassemble la plupart des thèmes qui l’obsédèrent tout au long de sa carrière: une fascination pour le passé et comment la modernisation a changé à jamais le mode de vie plus tranquille et élégant; la politique turbulente de l’Italie; l’effet inévitable du processus de vieillissement sur toute vie humaine; et, toujours, et surtout, la famille, avec toutes ses tensions émotionnelles entrelacées.
Le Léopard est magnifique à regarder, avec des scènes de guerre vivement mises en scène évoquant le nationalisme italien, et de beaux petits moments domestiques. Visconti a su faire un film épique, imprégné du soin et des détails somptueux qui ont présidé à la réalisation de ce film. Il a rendu ses producteurs fous par son insistance sur l’authenticité, remplissant des bouteilles de vraie vodka au lieu d’eau et des tiroirs de commode non ouverts remplis de chemises en soie. Sa justification était: « Le public ne le verra peut-être jamais, mais les acteurs le verront ».
Mais, comme tant de films de Visconti, en particulier La Mort à Venise (1971) et le lugubre Ludwig (1972), Le Léopard peut sembler un peu glauque, avec beaucoup de dialogues et peu d’action. Pourtant, il se débrouille si bien avec ses acteurs: la belle héritière vaporeuse de Claudia Cardinale; le jeune officier extravagant et beau d’Alain Delon, et surtout Burt Lancaster en prince mélancolique majestueux face à la mortalité à contrecœur, un portrait que Lancaster a basé sur Visconti lui-même.
Le dernier tiers de ce film de trois heures se déroule lors d’un grand gala, et c’est l’une des plus grandes séquences du cinéma, une recréation totale qui vous entraîne, vous faisant ressentir chaque instant enivrant, de l’exubérance précoce des premiers arrivants, en passant par la valse, réglée sur une composition de Verdi alors nouvellement découverte, jusqu’aux derniers instants à l’approche de l’aube avec quelques invités encore sur la piste de danse pendant que l’orchestre joue patiemment. Visconti s’est inspiré de sa propre vie remarquablement vivante pour ce film, bien qu’il soit basé sur un roman de Giuseppe Tomasi di Lampedusa de 1958.
Visconti connaissait certainement la guerre, ayant été emprisonné par la Gestapo pour avoir hébergé des membres de la résistance communiste dans son palais. Il filme l’exécution de son geôlier pour Conversation Piece (1974), son deuxième film avec Lancaster.
C’est probablement le film le plus autobiographique de Visconti. Il emprunte des éléments de sa propre vie à son amant, l’acteur Helmut Berger, dont le personnage reprend complètement la vie d’un vieux professeur américain solitaire, interprété par Lancaster dans sa performance la plus délicatement nuancée. Le professeur de Lancastre mène une vie solitaire dans un luxueux palazzo à Rome. Son personnage souffre alors que Berger, jouant un arnaqueur qui monopolise son téléphone, ramasse du commerce grossier pour le ramener au palais. Le vieux professeur meurt, et ses funérailles sont décrites comme:
» being en présence de toutes les prostituées de Rome, vêtues de noir comme un défilé de veuves, suivies de tous les junkies, escrocs, digues et d’une délégation de pédés. »
Les funérailles de Visconti en 1976 furent une affaire bien plus digne, marquée par la présence de membres du Parti communiste italien. Comme épitaphe, il a choisi un poème de W.H. Auden, cité dans un article de conversation qui capture sa vie:
Quand vous voyez une forme juste
Poursuivez-la
Et si possible embrassez-la
Que ce soit une fille ou un garçon
Ne soyez pas timide, soyez impétueux, soyez frais