Sous l’ancien dauphin, devenu Charles Quint (règne 1364-1380), le sort de la guerre a été radicalement inversé. Charles avait une conception élevée de la royauté et un bon sens politique. Tout en partageant le goût de la maison de Valois pour le luxe et la fête, il renoue avec la tradition capétienne de la diplomatie prudente. Il a observé le traité de Calais, ce qui explique pourquoi Édouard III n’a pas fait pression pour conclure les renoncements; mais il réserva son autorité en Aquitaine en insérant dans son serment de couronnement une clause interdisant l’aliénation des droits attachés à la couronne.
Les premières années de son règne sont remplies de politique baronniale. Charles le Mauvais se révolte une nouvelle fois sans succès, ses prétentions dynastiques sur la Bourgogne allant à l’encontre de celles du roi ; la succession de Bretagne est réglée par les armes en faveur de l’anglophile Jean de Montfort (devenu Jean IV). Le plus important pour l’avenir, Charles Quint obtient l’héritière de la Flandre pour son frère Philippe II (le Hardi), à qui la Bourgogne avait été concédée en apanage. Pendant ce temps, des compagnies de soldats mercenaires, beaucoup basées dans des bastions du centre de la France, paralysaient les campagnes. Charles Quint charge le capitaine breton Bertrand du Guesclin de les neutraliser. Entre 1365 et 1369, Bertrand employa les compagnies dans des conflits aventureux en Espagne ; beaucoup de mercenaires furent tués ou dispersés. Le prince noir était également intervenu en Espagne, et ses impôts et son administration en Aquitaine suscitèrent des protestations. En 1369, les seigneurs d’Albret et d’Armagnac, ayant refusé de permettre des prélèvements de subsides sur leurs terres, firent appel à Charles Quint pour le jugement de sa cour. Bien que Charles hésita, sa décision finale d’accepter les appels était conforme à la lettre du traité de Calais et à son serment de couronnement.
La guerre avec l’Angleterre éclata bientôt à nouveau. Deux nouveaux facteurs ont joué en faveur de la France. Tout d’abord, l’alliance de Charles avec Henri II de Trastámara, roi de Castille, a coûté aux Anglais leur suprématie navale; une flotte castillane a détruit les renforts anglais au large de La Rochelle en 1372, ce qui a effectivement assuré le succès des opérations françaises dans l’ouest. Deuxièmement, Charles a abandonné la politique défectueuse d’engagement massif avec l’ennemi. Ne pouvant commander en personne, il nomma Bertrand du Guesclin connétable en 1370 ; ce dernier procéda à la prise de l’ennemi et à la prise de ravitaillement avec une grande efficacité. Par escarmouches et sièges, les forces françaises reconquièrent rapidement la Guyenne et le Poitou, ne laissant que quelques villes portuaires (Calais, Cherbourg, Saint-Malo, Bordeaux) aux mains des Anglais. Pour financer ces opérations, Charles continua à prélever les taxes sur les marchandises, le sel (gabelles) et les foyers qui avaient été destinés à augmenter la rançon de Jean ; malgré de graves iniquités et défauts de paiement, ces taxes persistèrent jusqu’à la fin du règne. En Languedoc, ils étaient votés, évalués et dépensés par les Domaines; ailleurs, en transformant en officiers royaux les députés d’abord choisis par les Domaines à l’époque de Jean, Charles créa une administration fiscale indépendante du contrôle populaire. Son succès militaire doit beaucoup à l’amélioration de la réglementation des forces armées et des défenses. Les ordonnances prévoyaient l’inspection et la réparation des fortifications, l’encouragement du tir à l’arc, une discipline plus fiable, la rémunération des hommes de combat et même la création d’une marine.
Les dernières années du règne ont été marquées par des déceptions. Des trêves ont été organisées; mais, comme il ne pouvait plus être question de céder la souveraineté française sur l’Aquitaine, il ne pouvait y avoir d’assurance de paix. Plus grave, l’alliance papale-française s’est effondrée. Charles Quint, incapable d’empêcher le pape Grégoire XI de revenir à Rome en 1376, choisit de soutenir la candidature de Robert de Genève contre l’italien Urbain VI en 1378, mais seules l’Écosse et Naples suivent l’exemple français. Un pape schismatique ne pouvait plus beaucoup aider la France; les papes rivaux ne pouvaient guère promouvoir la paix entre leurs partisans politiques. Bien qu’il ait rétabli l’unité politique de la France, Charles Quint laisse un avenir incertain.