Avant la Guerre IEdit
Maurras est né dans une famille provençale, élevée par sa mère et sa grand-mère dans un milieu catholique et monarchiste. Au début de son adolescence, il est devenu sourd. Comme beaucoup d’autres hommes politiques français, il fut grandement affecté par la défaite de la France lors de la guerre franco-prussienne de 1870. Après la Commune de Paris de 1871 et la défaite du gouvernement d’Ordre moral du maréchal MacMahon en 1879, la société française trouve peu à peu un consensus pour la République, symbolisé par le ralliement des orléanistes monarchistes à la République. Maurras publie son premier article, à l’âge de 17 ans, dans la revue Annales de philosophie chrétienne. Il collabore ensuite à diverses revues, dont L’Événement, La Revue bleue, La Gazette de France et La Revue encyclopédique, dans lesquelles il loue le classicisme et s’attaque au romantisme.
À un moment donné de sa jeunesse, Maurras a perdu sa foi catholique et est devenu agnostique. En 1887, à l’âge de dix-sept ans, il vient à Paris et commence à écrire des critiques littéraires dans l’Observateur catholique et orléaniste. À cette époque, Maurras est influencé par l’orléanisme, ainsi que par la philosophie allemande revue par le penseur catholique Léon Ollé-Laprune, influence d’Henri Bergson, et par le philosophe Maurice Blondel, l’une des inspirations des » modernistes » chrétiens, qui deviendront plus tard ses plus grands adversaires. Il fait la connaissance du poète provençal Frédéric Mistral en 1888 et partage la thèse fédéraliste du mouvement félibrige de Mistral (voir Maurras et Félibrige). La même année, il rencontre l’écrivain nationaliste Maurice Barrès.
En 1890, Maurras approuve l’appel du cardinal Lavigerie au ralliement des catholiques à la République, faisant ainsi son opposition non pas à la République en elle-même, mais au » républicanisme sectaire « .
Outre cette appartenance orléaniste, Maurras partageait quelques traits avec le bonapartisme. En décembre 1887, il manifeste au cri de » A bas les brigands ! » lors du scandale du trafic de décorations militaires, qui avait impliqué Daniel Wilson, le gendre du président Jules Grévy. Malgré cela, il s’est d’abord opposé à la philosophie boulangiste nationaliste-populiste. Mais en 1889, après une visite chez Maurice Barrès, Barrès vote pour le candidat boulangiste ; malgré son » antisémitisme du cœur « , il décide de voter pour un Juif.
En 1894-95, Maurras travaille brièvement pour le journal de Barrès, La Cocarde, bien qu’il s’oppose parfois aux opinions de Barrès sur la Révolution française. La Cocarde soutient le général Boulanger, devenu une menace pour la République parlementaire à la fin des années 1880.
Lors d’un voyage à Athènes pour les premiers Jeux Olympiques modernes en 1896, Maurras en vint à critiquer le système démocratique grec de la polis, qu’il jugeait voué à l’échec en raison de ses divisions internes et de son ouverture envers les métèques (étrangers).
Maurras s’engage en politique au moment de l’affaire Dreyfus, devenant un antidreyfusard bien connu. Il a approuvé la falsification du colonel Henry accusant Dreyfus, car il considérait que la défense de Dreyfus affaiblissait l’armée et le système judiciaire. Selon Maurras, Dreyfus devait être sacrifié sur l’autel de l’intérêt national. Mais alors que le penseur nationaliste républicain Barrès accusait Dreyfus d’être coupable à cause de sa judéité, Maurras allait plus loin, vilipendant la » République juive « . Alors que l’antisémitisme de Barrès trouve son origine à la fois dans les théories contemporaines racistes pseudo-scientifiques et dans l’exégèse biblique, Maurras dénonce le » racisme scientifique » au profit d’un » antisémitisme d’État » plus radical. » Maurras participe à la fondation de la Ligue de la patrie française nationaliste et Antidreyfusarde à la fin de 1898, avec Maurice Barrès, le géographe Marcel Dubois, le poète François Coppée et le critique et professeur de littérature Jules Lemaître.
En 1899, Maurras fonde la revue Action Française (AF), une émanation du journal créé par Maurice Pujo et Henri Vaugeois l’année précédente. Maurras devient rapidement influent dans le mouvement et convertit Pujo et Vaugeois au monarchisme, qui devient la principale cause du mouvement. Avec Léon Daudet, il dirige la revue du mouvement, La Revue de l’Action Française, qui devient en 1908 un quotidien sous le titre plus court L’Action Française. L’AF a mélangé le nationalisme intégral avec des thèmes réactionnaires, déplaçant l’idéologie nationaliste, auparavant soutenue par les républicains de gauche, vers la droite politique. Il avait un large lectorat lors de la mise en œuvre de la loi de 1905 sur la séparation de l’Église et de l’État. En 1899, il écrit une courte notice en faveur de la monarchie, » Dictateur et roi « , puis en 1900 son » Enquête sur la monarchie « , publiée dans le porte-parole légitimiste La Gazette de France, qui le rend célèbre. Maurras publie également treize articles dans le journal Le Figaro en 1901 et 1902, ainsi que six articles entre novembre 1902 et janvier 1903 dans le journal antisémite d’Edouard Drumont, La Libre Parole.
Entre 1905 et 1908, lors de la création de la ligue monarchiste des Camelots du Roi, Maurras introduit le concept d’activisme politique à travers des ligues extra-parlementaires, théorisant la possibilité d’un coup d’État. Maurras fonde également la Ligue d’Action Française en 1905, dont la mission est de recruter des membres pour l’Action Française.Les membres se sont engagés à combattre le régime républicain et à soutenir la restauration de la monarchie sous le prince Philippe, duc d’Orléans (1869-1926).
De nombreux premiers membres de l’Action Française étaient catholiques pratiquants, dont Bernard de Vésins, l’historien d’art Louis Dimier et l’essayiste Léon de Montesquiou. Ils aident Maurras à développer la politique pro-catholique de la ligue royaliste.
De la Première Guerre mondiale à la fin des années 1930
Maurras soutient alors l’entrée de la France dans la Première Guerre mondiale (allant même jusqu’à soutenir le très républicain Georges Clemenceau) contre l’Empire allemand. Pendant la guerre, l’homme d’affaires juif Emile Ullman est contraint de démissionner du conseil d’administration de la banque Comptoir d’Escompte après que Maurras l’a accusé d’être un agent allemand. Il reproche ensuite au traité de Versailles de ne pas être assez sévère avec les Allemands et condamne la politique de coopération d’Aristide Briand avec l’Allemagne.
En 1925, il appelle au meurtre d’Abraham Schrameck, ministre de l’Intérieur du Cartel des Gauches de Paul Painlevé coalition), qui avait ordonné le désarmement des ligues d’extrême droite. Pour cette menace de mort, il a été condamné à une amende et à un an de prison avec sursis. Il profère également des menaces de mort contre le Président du Conseil Léon Blum, organisateur du Front populaire, dans l’Action française du 15 mai 1936, soulignant ses origines juives (il l’a un jour traité de » vieux chameau sémite « ). Cette autre menace de mort lui vaut huit mois de prison, du 29 octobre 1936 au 6 juillet 1937. Craignant le communisme, il rejoint les pacifistes et fait l’éloge des Accords de Munich de 1938, que le Président du Conseil Édouard Daladier avait signés sans aucune illusion. Il a également écrit dans Action Française:
Il y a certains conservateurs en France qui nous remplissent de dégoût. Pourquoi? À cause de leur stupidité. Quel genre de bêtise? Hitlérisme. Ces « conservateurs » français rampent sur le ventre devant Hitler. Ces anciens nationalistes grinçaient des dents devant lui. Quelques zélotes se vautrent dans la saleté, dans leur propre saleté, avec des talons sans fin. Plus ils sont riches, plus ils en possèdent, plus il est important de leur faire comprendre que si Hitler nous envahissait, il les écorcherait beaucoup plus que Blum, Thorez et Staline réunis. Cette erreur « conservatrice » est suicidaire. Nous devons faire appel à nos amis pour qu’ils ne se laissent pas embêter. Nous devons leur dire: Soyez sur vos gardes! Ce qui est maintenant en jeu n’est pas l’anti-démocratie ou l’antisémitisme. La France avant tout !
Au cours des années 1930 – surtout après la crise du 6 février 1934 — de nombreux membres de l’Action Française se sont tournés vers le fascisme, tels que Robert Brasillach, Lucien Rebatet, Abel Bonnard, Paul Chack et Claude Jeantet. La plupart appartenaient au personnel du journal fasciste Je suis partout.
Influençant le régime Estado Novo d’António de Oliveira Salazar au Portugal, Maurras soutint également Francisco Franco et, jusqu’au printemps 1939, le régime fasciste de Benito Mussolini. S’opposant à Adolf Hitler en raison de sa germanophobie, Maurras lui–même critique la politique raciste du nazisme en 1936, et demande une traduction complète de Mein Kampf – certains de ses passages avaient été censurés dans l’édition française.
Après son échec face à Charles Jonnart en 1924 pour être élu à l’Académie française, il réussit à entrer dans les rangs des » Immortels » le 9 juin 1938, en remplacement d’Henri-Robert, en l’emportant par 20 voix contre 12 à Fernand Gregh. Il est reçu à l’Académie le 8 juin 1939 par l’écrivain catholique Henry Bordeaux.
Régime de Vichy, arrestation et Mortemodifier
Bien qu’en juin 1940 des articles de l’Action Française signés par Maurras, Léon Daudet et Maurice Pujo fassent l’éloge du général Charles de Gaulle, Maurras salue rapidement la fin de la Troisième République, remplacée par la France de Vichy du maréchal Philippe Pétain, comme une » divine surprise « . Le programme réactionnaire de Vichy d’une Révolution Nationale fut pleinement approuvé par Maurras, qui en inspira une grande partie. Le journal monarchiste est interdit en Zone occupée et sous la censure de Vichy en Zone Sud à partir de novembre 1942. Dans La Seule France (1941), Maurras plaide pour une politique de la France d’abord, par laquelle la France se rétablirait politiquement et moralement sous Pétain, résolvant les causes à ses yeux de la défaite de la France en 1940, avant d’aborder la question de l’occupation étrangère. Cette position contrastait avec l’attitude des gaullistes, qui ont fui la France et ont poursuivi la lutte militaire. Maurras reproche aux gouvernements français d’avant-guerre d’avoir pris une position de plus en plus belliqueuse vis-à-vis de l’Allemagne au moment même où ces gouvernements affaiblissaient la France, militairement, socialement et politiquement, rendant ainsi la défaite de la France en 1940 presque inévitable. Maurras a également critiqué la Loi de 1940 sur les Juifs pour être trop modérée. Dans le même temps, il continue d’exprimer des éléments de sa germanophobie de longue date en affirmant dans La Seule France que les Français ne doivent pas être attirés par le modèle allemand et en organisant des conférences anti-allemandes, et il s’oppose à la fois aux « dissidents » de Londres et aux collaborateurs de Paris et de Vichy (comme Lucien Rebatet, Robert Brasillach, Pierre Laval ou Marcel Déat). En 1943, les Allemands prévoyaient d’arrêter Maurras.
Admirateur d’avant-guerre de Charles de Gaulle, lui-même influencé par l’intégrisme de Maurras, Maurras critique alors durement le général en exil. Il affirma plus tard qu’il croyait que Pétain jouait un « double jeu », travaillant pour une victoire alliée en secret.
Après la libération de la France, Maurras est arrêté en septembre 1944 avec son bras droit Maurice Pujo, et mis en examen devant le Tribunal de Grande Instance de Lyon pour » complicité avec l’ennemi » sur la base des articles qu’il avait publiés depuis le début de la guerre. Au terme du procès, au cours duquel il y a eu de nombreuses irrégularités telles que de fausses datations ou des citations tronquées, Maurras a été condamné à la prison à vie et à la privation de libertés publiques. Il est révoqué d’office de l’Académie française (mesure prévue par l’ordonnance du 26 décembre 1944). Sa réponse à sa condamnation fut de s’exclamer C’est la revanche de Dreyfus ! ( » C’est la vengeance de Dreyfus ! ») Entre-temps, l’Académie française déclara son siège vacant, comme pour celui de Pétain, au lieu de l’expulser comme pour Abel Hermant et Abel Bonnard. (L’académie a attendu sa mort pour élire son successeur et a choisi Antoine de Lévis-Mirepoix, lui-même influencé par l’Action Française et qui a collaboré à la revue monarchiste La Nation française de Pierre Boutang.)
Après avoir été emprisonné à Riom puis à Clairvaux, Maurras est libéré en mars 1952 pour entrer à l’hôpital. Il est soutenu par Henry Bordeaux, qui demande à plusieurs reprises au Président de la République, Vincent Auriol, de gracier Maurras. Bien qu’affaibli, Maurras collabore avec Aspects de la France, qui avait remplacé la revue interdite Action Française en 1947. Il a été transféré dans une clinique de Tours, où il est rapidement décédé. Dans ses derniers jours, il a réadopté la foi catholique de son enfance et a reçu les derniers rites.