En raison de la nature même de la procédure d’annulation qui oblige la Cour à s’assurer que la loi a été correctement appliquée pour chaque décision attaquée, la jurisprudence s’établit progressivement, en fonction des pourvois et des moyens présentés. Les arrêts de règlement sont interdits à la Cour de Cassation comme dans toute autre juridiction française par l’article 5 du Code civil qui stipule que » les tribunaux ne sont pas habilités à prononcer des jugements réglementaires généraux sur les affaires qui leur sont soumises « . La jurisprudence ne peut donc évoluer qu’au fur et à mesure que des problèmes apparaissent sur les moyens présentés. La Cour de cassation étant attentive à la société française – et maintenant à la société européenne –, elle est capable d’énoncer le droit en l’adaptant aux évolutions de la société, qu’elles soient politiques, sociales, économiques, internationales, techniques ou technologiques. L’éventail des questions posées permet à la Cour d’apporter une réponse équilibrée et cohérente à la majorité des questions potentielles soulevées concernant l’interprétation de la loi.
La flexibilité qui en résulte laisse amplement la possibilité à la Cour de donner un autre sens au droit au fil du temps en fonction des changements dans la société et de la manière dont ils sont perçus. En outre, il permet à la Cour de combler un vide juridique en matière de droit matériel. En effet, l’article 4 du Code civil interdit à un tribunal de refuser d’entendre une affaire au motif que la loi ne couvre pas un aspect spécifique de l’affaire, ou qu’elle est ambiguë ou inadéquate. La Cour de cassation joue donc un rôle essentiel sur ce point particulier. Si les dispositions de la loi ne couvrent pas un aspect spécifique d’une affaire, la Cour de cassation peut utiliser deux techniques. La première approche consiste à appliquer les textes à des situations qui n’ont pas été prévues par le législateur comme dans le cas par exemple de l’application des textes sur les délits, qui découlent en grande partie du Code civil de 1804, aux délits de conduite. La deuxième technique consiste à se référer à des principes généraux (comme par exemple la règle de corrumpit de fraus omnia, la théorie de l’enrichissement sans cause, celle des troubles anormaux de voisinage ou le principe des droits de la défense) dans la mesure où ils ne sont pas en conflit avec un texte de droit matériel. Néanmoins la technique est limitée. Parfois, l’interprétation du libellé de la loi qui est devenue discutable en raison de divers développements ne peut être modifiée. Dans de telles circonstances, la Cour indique les conséquences qui découlent de la formulation des textes dans son rapport annuel et suggère des modifications législatives.
Les développements jurisprudentiels se distinguent naturellement de la jurisprudence antérieure, mais ils peuvent également entraîner l’annulation d’un précédent. C’est assez exceptionnel. Les juges de la Cour de cassation s’attachent à établir une jurisprudence stable qui sert de référence aux juridictions inférieures, aux justiciables et à leurs conseils. L’établissement de la loi est un processus continu. De plus, l’autorité de la cour est en jeu. Cependant, cela ne signifie pas que la jurisprudence doit être gravée dans le marbre comme les arrêts l’ont montré à plusieurs reprises. Les développements logiques peuvent également entraîner un changement complet d’attitude judiciaire sur un point de droit ou un autre en raison d’un long processus de maturation interne qui est couplé à la contribution des juristes ou à la résistance des tribunaux inférieurs. Ce n’est que dans tous les cas, après un examen attentif, qu’un précédent est annulé, car les conséquences affectent non seulement l’affaire en question, mais ont également une réaction en chaîne sur toutes les affaires pendantes sur la même question. En d’autres termes, elle a un effet rétroactif et remet ainsi en cause les pratiques qu’elle condamne. Il est donc tout à fait compréhensible qu’il y ait un souci constant de trouver un équilibre subtil entre la nécessité d’adapter le droit aux changements de la société et d’avoir des règles de droit durables. Les inversions les plus importantes sont souvent décidées par la Cour plénière, mais elles ne sont en aucun cas la seule division à le faire.
Cependant, l’impact pratique de la jurisprudence de la Cour de cassation ne vaut que s’il est porté non seulement à l’attention des milieux judiciaires et juridiques, mais aussi des entreprises et des particuliers. C’est pourquoi une attention particulière est portée à la manière dont le Service de la Documentation et de la Recherche diffuse la jurisprudence. Divers outils de publication sont utilisés pour couvrir la diversité du public concerné. L’outil le plus traditionnel, qui remonte à la Révolution, est la publication de deux bulletins mensuels; l’un pour les divisions civiles et l’autre pour la division criminelle. Les bulletins contiennent les arrêts qui sont présentés par le juge divisionnaire. Aujourd’hui, il existe également un bulletin trimestriel « droit du travail » et un bulletin d’information bimensuel. Ce dernier, qui est transmis à toutes les juridictions et cours d’appel, fournit un résumé de toutes les décisions les plus importantes ou celles qui intéressent particulièrement les juridictions inférieures. Il comprend des décisions qui n’ont pas seulement été rendues par la Cour de cassation, mais aussi par d’autres tribunaux. Il reproduit les opinions des procureurs adjoints et les rapports des juges de première instance. Une sélection d’écrits de juristes ou encore les procès-verbaux des réunions organisées par la Cour de cassation comme par exemple la réunion des présidents des cours d’appel sont également publiés dans ces bulletins.
Un autre outil utilisé depuis le XIXe siècle est la publication de jugements dans des revues juridiques. Celles-ci sont accompagnées des commentaires des juristes et, dans le cas de décisions importantes, des avis et rapports susmentionnés.
Cependant, grâce aux technologies de l’information et au développement du réseau Internet, le public a désormais accès gratuitement à une base de données en ligne sur le site de Legifrance (http://wvw.legifrance.gouv.fr) qui contient tous les arrêts publiés au Bulletin Civil depuis 1960 et au Bulletin Pénal depuis 1963, ainsi que tous les arrêts, qu’ils aient été publiés ou non, depuis 1987. Cette base de données sera encore élargie pour inclure de nouvelles pages. Le site Internet de la Cour de Cassation (www.cours d’évaluation.fr) fournit également une sélection d’arrêts et d’opinions et publie tous les bulletins d’information périodiques.
Enfin, il convient de mentionner tout particulièrement le Rapport annuel de la Cour de cassation. Le Code de l’Organisation judiciaire prévoit en effet qu’un rapport annuel est soumis au ministre de la Justice sur l’avancement des procédures et le temps nécessaire à l’audition des recours. Une Commission de Rapport et de recherche a été spécialement créée pour préparer ledit rapport et est composée d’un juge président, d’un juge de première instance, de représentants de chaque division et du ministère public, et du responsable du Département de Documentation et de recherche. La Commission rend compte aux huissiers de justice en chef. Le Rapport annuel comprend notamment des suggestions de modifications législatives ou réglementaires, des commentaires sur les arrêts les plus significatifs rendus au cours de l’année et les recherches juridiques effectuées par les membres de la Cour. Le Rapport est également disponible en ligne sur le site de la Cour de cassation.
LE DÉPARTEMENT DE LA DOCUMENTATION, DE LA RECHERCHE ET DU REPORTING DE LA COUR DE CASSATION
Relevant directement du Président, le Département de la Documentation, de LA Recherche et du Reporting est dirigé par un juge principal qui a le même rang qu’un juge président de division. Le Département est composé de magistrats (auditeurs à la Cour de cassation) et de fonctionnaires (Greffiers en chef et greffiers).
Tout d’abord, il rationalise le traitement des affaires et à cet égard, lorsque les recours sont renvoyés aux différentes divisions, il regroupe les affaires qui soulèvent des questions identiques ou similaires. Elle contribue également à réduire les éventuelles disparités de jurisprudence à la Cour de cassation ou auprès des juridictions inférieures. Au besoin, il aide également les juges de première instance et les procureurs adjoints dans leurs travaux de recherche. Le Département dispose désormais de sa propre cellule de suivi du droit européen permettant de répondre aux questions soulevées par les juridictions nationales en matière d’application du droit européen.
Deuxièmement, le Département de la Documentation et de la recherche joue un rôle déterminant dans le développement de la politique jurisprudentielle de la Cour par la publication électronique et la diffusion des arrêts de la Cour de cassation auprès des juridictions inférieures.
AVIS DE LA COUR DE CASSATION
La Cour de cassation a été habilitée à émettre des avis par une loi du 5 mai 1991. Cette procédure permet à la Cour de signifier relativement rapidement sa position sur l’interprétation des nouveaux textes. Cela permet aux juridictions inférieures d’anticiper la position que prendra la Cour à l’égard d’une règle spécifique que les tribunaux ont des difficultés à appliquer. La procédure est strictement réglementée et doit respecter un certain nombre de conditions :
- La demande doit être formulée par un tribunal judiciaire qui, pour une question qui lui a été soumise dans le cadre d’une affaire pendante, décide de demander l’avis du Tribunal. Les demandes directes des parties sont donc exclues.
- La question doit être légale et de surcroît nouvelle.
- Il doit soulever une grave difficulté et surgir dans un certain nombre de différends.
- Outre ces conditions qui sont prévues par la loi, la Cour de cassation a ajouté une autre exigence : la question soulevée ne doit pas déjà faire l’objet d’un pourvoi en cassation dont elle est saisie. L’objectif en l’espèce n’est pas de priver la Division à laquelle le recours a été renvoyé de son pouvoir de statuer à ce sujet.
En matière pénale, la loi du 25 juin 2001 a fixé d’autres restrictions relatives à la nature des litiges et au souci de ne pas retarder l’adoption d’un jugement lorsqu’un défendeur est placé en garde à vue ou sous contrôle judiciaire.
Le banc de la Cour de cassation varie selon que la demande d’avis concerne une affaire civile ou pénale. La chambre est présidée par le Président et est tenue de rendre son avis dans un délai de trois mois à compter de la date de dépôt de la demande. La cour qui a demandé l’avis n’est pas tenue de s’y conformer.
La Cour de cassation rend une dizaine d’avis par an.
1) Le Tribunal d’instance est compétent en matière civile personnelle ou mobilière n’excédant pas 10 000 €, sous réserve de recours.
2) Le Tribunal de grande instance (TGI) est compétent en matière civile d’une valeur supérieure à 10 000 € ainsi que dans toutes les affaires (quelle que soit la somme en cause) en droit de la famille (mariage, divorce, adoption, successions), saisie d’immeubles, brevets, marques et dissolutions
3) Dans l’ensemble et en dehors des affaires pénales, le décret du 20 août 2004 n’oblige pas les parties aux litiges électoraux à se faire représenter par un avocat. En ce qui concerne les conflits de travail, les parties doivent désormais être représentées par un avocat des Conseils.