Synthèse et élucidation structurale du carborane plat 2
Le traitement de l’espèce 124 de bore tétraatomique (0) avec deux équivalents de 2,6-diisopropylphényl isonitrile (DipNC) dans le benzène à température ambiante a donné une solution brune, et après le composé de préparation 2 a été obtenu sous forme de cristaux orange avec un rendement de 23% (Fig. 2 bis). Le spectre RMN 11B de 2 présente deux larges singulets caractéristiques à 16,5 ppm et 11.3 ppm, qui sont conformes aux déplacements chimiques RMN 11B estimés par calcul (le bore central non substitué: 14,4 ppm, le bore substitué: 9,8 ppm, respectivement). Le spectre RMN 1H correspondent montre deux singulets de fond à δ = 5,7 ppm (cycle CHBNC3) et δ = 3,2 ppm (NH), indicatifs de la migration de l’hydrogène du cycle à cinq chaînons BNC3 de 1 vers l’atome d’azote de l’isonitrile au cours de la réaction.
Une analyse par diffraction des rayons X a révélé que 2 adopte une symétrie C2 avec la fraction centrale B4C2 en supposant la structure bidimensionnelle en forme de ruban (Fig. 1b). Deux substituants du cycle à cinq chaînons BNC3, bornés aux atomes B2 (B2′), sont de manière trans, qui sont légèrement tordus par rapport à la partie centrale C2B4 avec l’angle de torsion C3–C2–B2–B1′ (C3’–C2’–B2’–B1) de 18,6 (5)°. Le noyau B4C2 et les atomes N1, N1′, C2, C2′ sont presque coplanaires, et la somme des angles de liaison autour de B2 (B2′) et C1 (C1′) est de 359.8° et 359,9°, respectivement. L’angle C1-B1-B2′ ne s’écarte que légèrement de la linéarité. Les distances B1–B2′(B1’–B2) (1,797(3)Å) et B1–B2(B1’–B2′) (1,709(3)Å) sont similaires à celles observées dans les petits carboranes (1,674–2,089 Å) 25,26. En revanche, la distance B1–B1′ (1,601(4)Å), qui se situe dans la plage des distances de double liaison B–B typiques observées chez les diborènes stabilisés à la base 27, est légèrement plus courte que celles des carboranes aromatiques (1,625-1,636 Å)26,28, des B1–C1 (B1’–C1′) (1,421(3)Å) et des B2–C1 (B2’–C1′) (1.Les distances 501(3) Å) sont significativement plus longues que la double liaison B–C rapportée (1,351 Å), mais comparables aux liaisons insaturées B–C typiques observées dans les carboranes aromatiques (1,486–1,502 Å) 26,29. 2 représente un exemple rare de molécule impliquant des centres de bore tétracoordonnés planes30,31,32. Compte tenu de ces métriques, on peut envisager que les électrons squelettiques soient délocalisés au sein du noyau C2B4. Il est important de souligner que le composé 2 avec le système à 6 sommets et à 8 SEP ne montre pas une structure de cage nido prédite par les règles de Wade-Mingos, mais adopte plutôt une géométrie plane20,22.
Études théoriques de 2
La structure électronique de 2 a été examinée plus avant par des calculs DFT utilisant la structure optimisée du composé modèle légèrement modifié opt-2′. L’état fondamental singulet s’avère thermodynamiquement plus stable de 26,7 kcal mol-1 que l’état fondamental triplet opt-2’T, qui montre le plan C2B4 déformé. Les deux orbitales moléculaires les plus caractéristiques sont illustrées à la Fig. 3a. L’orbitale moléculaire occupée la plus élevée (HOMO) de l’opt-2′ correspond principalement aux orbitales de type π sur les anneaux à trois chaînons C1B1B2 (C1B1B2′), qui présente une relation anti-liaison avec les orbitales π C2-C3 (C2′-C3′) et les seules paires d’atomes d’azote. L’HOMO-3 comprend les orbitales de type π de la partie centrale B4 avec la contribution des cycles phényle 2,6-diisopropyle. Les interactions de liaison B-C et B-B au sein des cadres σ du noyau C2B4 se retrouvent bien dans le MOs (Fig. supplémentaire. 13). Le système π à 4 électrons et le système σ à 12 électrons indiquent que les électrons squelettiques sont délocalisés dans les cadres π et σ du noyau C2B422. Les valeurs respectives de l’indice de liaison Wiberg (WBI) de 1,3091 pour B1-C1 (B1 ‘–C1′) et de 1,1069 pour B2–C1 (B2’–C1′) correspondent à leurs distances de liaison. Fait intéressant, malgré la courte distance B1–B1′ (1,601 (4) Å), une valeur WBI relativement faible de 0.8041 est trouvé pour B1-B1′, indiquant le caractère de liaison covalente faible. Ainsi, la courte distance B1–B1’ observée est probablement due à la structure en forme de ruban tendue plutôt qu’à la forte interaction de liaison π / σ.
Pour évaluer la délocalisation des électrons dans le noyau C2B4 de 2, le calcul des déplacements chimiques indépendants du noyau (NICS) a été effectué sur l’opt-2′ et les composés pertinents III-V à des fins de comparaison (Fig. 3b) 33. Les valeurs NICS(1) calculées des cycles BBB et CBB en opt-2′ (-8,80 ppm et -11,76 ppm) sont moins négatives par rapport à celles (III : -14,13 ppm, IV : -16,14 ppm, V : -15,34 ppm) des molécules 2π-aromatiques III-V, indiquant que la nature π-aromatique de 2, en particulier au niveau des cycles BBB, est relativement faible (Tableaux 1 et 2). Ceci peut être rationalisé par le fait qu’il n’y a que 4π électrons s’étalant formellement sur le plan C2B4 (Fig. 3 bis). En revanche, les valeurs de NIC(0) correspondantes de opt-2′ (-28,19 ppm et -31.36 ppm) sont nettement plus négatives par rapport à celles (III : -23,24 ppm, IV : -15,56 ppm, V : -18,38 ppm) estimées pour III–V, indiquant le caractère σ-aromatique prononcé de 2. Comme preuve de concept, nous avons également entrepris l’analyse des NICS analogues pour la molécule prototypique opt-2′(H), qui a montré les valeurs plus négatives des NICS (0) (anneau BBB : -20,59 ppm, anneau CBB : -30,02 ppm) et moins négatives des NICS (1) (anneau BBB : -9,07 ppm, anneau CBB : -15,03 ppm), respectivement. Cette tendance est similaire à celle observée dans l’opt-2′, démontrant une relation électronique globalement identique entre l’opt-2′ et l’opt-2′ (H), alors que les légères différences observées dans les valeurs des NIC (0) et des NIC(1) entre elles pourraient être attribuées à l’effet de substituant (Fig. 14, Tableau supplémentaire 14) 34. Les valeurs NICS(0) et NICS(1) au point central (a) des plans C2B4 en opt-2′ (-18,69 ppm et -7,73 ppm) et opt-2′(H) (-13,04 ppm et -7,48 ppm) supportent la σ-aromaticité (tableau 3). Il est à noter que le système π à quatre électrons et le système σ à 12 électrons sont généralement considérés comme antiaromatiques.
La propriété de la délocalisation électronique a été évaluée en outre par l’anisotropie de l’analyse de la densité induite par le courant (ACIDE) en utilisant un autre composé modèle structurellement simplifié C2B4H2 (NH2)2 opt-2″35. Les vecteurs de densité de courant dans le sens horaire ont été tracés sur la composante π de l’isosurface ACIDE au niveau des deux cycles CBB (Fig. 3c), ce qui confirme le courant de cycle distinct sur les cycles CBB, et suggère la présence des deux aromaticité locales des cycles 2π CBB à trois chaînons (Fig. 3d, à gauche), dont chacune satisfait indépendamment la règle de l’électron de Hückel. Cette observation concorde avec les valeurs plus négatives des NIC(1) des anneaux CBB que celles des anneaux BBB (tableaux 1 et 2). En effet, l’analyse de l’Orbitale de Liaison naturelle (NBO) confirme la liaison π à trois centres à deux électrons (3c-2e) sur les deux anneaux CBB (Tableaux supplémentaires 15 et 16). Nous avons également effectué une analyse de liaison en utilisant la méthode de partitionnement adaptatif de densité naturelle (AdNDP) (Fig. 3e), qui présente deux liaisons π 3c-2e sur les deux anneaux cbb36. Dans le cadre σ, toutes les liaisons C-B sont des liaisons périphériques 2c-2e (Fig. 3d, milieu), alors que le caractère de liaison 3c-2e délocalisé est visible au niveau des deux anneaux à trois chaînons BBB, dont chacun – répondant à la règle de Hückel avec n = 0 – pourrait être responsable de la σ-aromaticité locale (Fig. 3d, à droite). Collectivement, l’analyse structurelle expérimentale et les résultats des calculs théoriques suggèrent que la fraction C2B4 de 2, bien que l’espèce globalement antiaromatique en général, présente deux cadres distincts π- et deux σ-aromatiques, manifestant l’aromaticité locale multiple 32,37,38,39,40,41. Il est fort probable que la présence de liaisons consécutives 3c-2e π et 3c-2e σ joue un rôle pivot dans la stabilisation de la géométrie plate de type ruban 42,43, 44, 45.
Synthèse et analyse structurale du carborane en spirale 3
De façon intéressante, lorsque le composé 1 a été mis à réagir avec quatre équivalents de tert-Butyl isonitrile (tBuNC) dans le benzène à température ambiante, un dérivé de carborane deltaèdre 3 a été obtenu avec un rendement isolé de 26% (Fig. 2 bis). Le spectre RMN 11B de 3 montre de larges singulets à δ =-12,2 ppm pour B–C≠N et à δ = 12,2 ppm pour le cycle BBNC3, respectivement. Des monocristaux orange de 3 ont été obtenus par recristallisation à partir d’une solution saturée de toluène, et la structure à l’état solide déterminée par analyse de diffraction des rayons X montre que 3 avec le système 7-SEP présente une structure en bandes triangulaires en spirale (Fig. 2c), plutôt que l’octaèdre prédit pour les closo-carboranes à 6 sommets et à 7 SEP selon les règles de Wade–Mingos. La structure à l’état solide de 3 diffère également des formes bipyramidales trigonales et papillon correspondant aux minima globaux des dicarboranes substitués (C2B4R6) 46, suggérant l’effet cinétique prononcé des substituants volumineux de 3. La partie centrale C2B4 est fortement tordue avec les angles de torsion C2–B2–B3–B1, B2–B1–B3–B4 et B3–B1–B4–C1 de 144,5°, 117,4° et 141,1°, respectivement. Les distances B–B de B1–B2 (1,767(3) Å), B1–B3 (1,765(3)Å), B1-B4 (1,852(3)Å) B2–B3 (1,863(3)Å) et B3-B4 (1.762(3)Å) se situent dans la gamme typique des liaisons B–B (1,674–2,089 Å) signalées pour les petits amas de carborane. Les distances B–C de B1-C1 (1,545(3)Å), B2-C2 (1,529(3)Å), B3–C2 (1,540 (3)Å) et B4–C1 (1,517(2)Å) sont comparables à celles trouvées dans les petits carboranes (1,512–1,817 Å) 25,26. Le changement structurel observé de 2 à 3 confirme que l’élimination de deux électrons du squelette C2B4 peut diminuer la délocalisation électronique et donc la stabilité du noyau plat, ce qui entraîne une distorsion de la géométrie plane en forme de ruban, conforme à la prédiction de Jemmis20. Nous avons également étudié la réaction de 1 et de CO, qui a cependant donné un mélange complexe et aucun produit identifiable n’a été obtenu à partir du mélange.